Page:Malot - Cara, 1878.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

ses genoux, puis, avec effusion passionnée, elle l’embrassa encore :

— Et pourtant, reprit-elle, je t’en veux de n’avoir pas pensé à moi.

— Je te jure…

— Tu me jures que quand ta mère t’a gardé à dîner tu as été peiné de ne pouvoir me prévenir, je le crois ; mais ce n’est pas cela que je veux dire. Je t’en veux de n’avoir pas eu l’idée de monter ici quand ton vieux Jacques t’a remis la lettre de ta mère, car cela ne t’aurait pris que quelques minutes à peine, et tu ne m’aurais pas laissé dans l’angoisse ; mais ce n’est pas la question du temps qui t’a retenu ; c’en est une autre : tu as eu peur que je te garde.

— Je t’assure que non.

— Sois franc. Eh bien, tu as eu tort de penser que je pouvais t’empêcher d’aller voir ta mère malade, car la vérité est qu’il y a longtemps que je t’aurais envoyé près d’elle, même alors qu’elle était en bonne santé, si je l’avais osé. Est-ce que je n’ai pas tout intérêt, grand enfant, à ce que tu sois bien avec ta famille ? Au début, oui, saurais pu craindre que ta famille te séparât de moi. Mais maintenant il faudrait que je fusse une femme sans cœur et même sans intelligence pour avoir cette crainte. Est-ce que je ne sais pas, est-ce que je ne sens pas que tu m’aimes comme je t’aime et que rien ne nous séparera ? Cette crainte écartée, combien d’avantages saurais à une réconciliation ! Je ne parle pas d’avantages matériels, ceux-là sont de peu d’importance pour moi. Mais si jamais ma suprême espérance se réalise, si jamais tu me prends publiquement, légitimement pour ta vraie femme, ce ne sera qu’avec