Page:Malot - Cara, 1878.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée

tu es là et tu ne dis rien. Si tu ne m’aimes plus, avoue-le franchement, loyalement. Mais non, je suis folle. Tu m’aimes, je le vois, je le sais.

Elle voulait qu’il parlât, et elle ne lui laissait pas le temps d’ouvrir les lèvres.

Enfin, sans desserrer les bras, elle se tut, et ce ne fut plus que par les yeux qu’elle l’interrogea, le pressant, le suppliant.

Mais, au moment où il allait parler, Louise ouvrit la porte pour dire que le dîner était servi :

— Ah ! c’est vrai, s’écria Cara, j’oubliais, tu dois être mort de faim, viens dîner, à table tu me raconteras tout.

— Mais j’ai dîné.

— Ah ! tu as dîné ; et moi, pendant que tu dînais tranquillement, joyeusement, je souffrais le martyre. Et avec qui as-tu dîné ?

— Avec ma mère.

Cara était ordinairement maîtresse de ses impressions, elle ne put pas cependant retenir un mouvement de stupéfaction :

— Ta mère !

Alors il voulut commencer son récit ; mais, après l’avoir si vivement pressé de parler, elle ne le laissa pas prendre la parole :

— Je n’ai pas dîné, dit-elle, car j’étais trop tourmentée pour manger, mais maintenant que je vois que j’ai été comme toujours beaucoup trop naïve, je vais me mettre à table si tu veux bien le permettre ; tu me conteras ton affaire ce soir, rien ne presse, n’est-ce pas ?

Elle se mit à table, mais après le potage il lui fut impossible de manger.