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comme dans le jeu des marguerites, puis toujours davantage ; et ces hommes sont plus communs qu’on ne pense ; il y a les timides, les bêtes d’habitude, ete., ete. Mais vous connaissez Léon mieux que moi ; je n’ai donc rien à vous dire. C’est vous qui avez à me répondre.

— Je vous aurais répondu si vous m’aviez parlé sérieusement.

— Je vous jure que je n’ai jamais été plus sérieuse, et il me semble que, si vous voulez bien réfléchir à mes chiffres, vous verrez combien ils sont modérés. Je voudrais que la question pût se traiter devant Léon, vous verriez s’il vous dirait que le bonheur que je lui ai donné ne vaut pas 600, 000 fr. Songez donc que, depuis que je l’aime, il n’a pas eu une minute d’ennui, de lassitude ou de satiété. Croyez-vous que cela ne doit pas se payer ? Croyez-vous que quand une femme s’est exterminée pour offrir à un homme cette chose rare et précieuse qu’on appelle le bonheur, elle n’est pas en droit de se plaindre qu’on vienne la marchander ? Vous vous imaginez donc qu’il est facile de les rendre heureux vos beaux fils de famille, élevés niaisement, qui ne prennent intérêt à rien, qui n’ont de passion pour rien, qui n’ont d’énergie que pour satisfaire leur vanité bourgeoise, et qui nous prennent, non pour ce que nous sommes, non pour notre beauté ou notre esprit, mais pour notre réputation qui flatte leur orgueil ; eh bien ! je vous assure que la tâche est rude et que celles qui la réussissent gagnent bien leur argent. Mais je ne veux pas insister ; vous réfléchirez, et vous verrez combien ma demande est modeste.

Elle se leva, et comme Byasson restait décontenancé par le résultat de leur entretien, elle continua :