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« La pauvre enfant va éprouver la plus horrible douleur qu’elle ait encore ressentie ; je te demande d’être près d’elle à ce moment, afin que, lorsqu’elle sera frappée, elle trouve une main qui la soutienne, et un cœur dans lequel elle puisse pleurer.

« Demain tout sera fini pour moi.

« Je ne peux pas retarder davantage l’exécution de ma résolution : ma guérison est impossible, ma destitution est imminente, et la perte complète de la vue peut se produire d’un moment à l’autre ; j’ai pu encore écrire cette lettre tant bien que mal en enchevêtrant très-probablement les lignes et les mots, dans huit jours je ne le pourrais peut-être plus ; dans huit jours je ne pourrais pas davantage me conduire, et Madeleine ne me laisserait pas sortir seul.

« Et précisément, pour accomplir ce que j’ai arrêté, il faut que je sorte seul ; nous sommes à la veille d’une grande marée, et demain la mer découvrira une immense étendue de rochers jusqu’à deux kilomètres au moins de la côte ; je partirai pour aller à la pêche ainsi que je l’ai fait souvent ; je n’en reviendrai point ; je serai tombé dans un trou, ou bien je me serai laissé surprendre par la marée montante ; ma mort sera le résultat d’un accident comme il en arrive trop souvent sur ces grèves ; toi seul sauras la vérité, et j’ai assez foi en ta distrétion pour être certain que personne, — je répète et je souligne personne, — personne au monde ne la connaîtra.

« Cette lettre reçue, quitte Paris, fais diligence, et quand tu arriveras à Saint-Aubin, Madeleine ne saura rien encore, je l’espère ; au moins saurai tout arrangé pour cela.