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m’a écrit ; mais comment a-t-elle su que j’étais chez Byasson ?

— Je ne sais pas, il faudra le lui demander. Assurément ce n’est pas moi qui le lui ai dit, car je suis fâchée qu’elle t’ait écrit.

— Comment, tu es fâchée que je sois revenu ?

— Cela paraît absurde, n’est-ce pas, cependant cela ne l’est pas. Oui, je suis heureuse, la plus heureuse des femmes que tu sois revenu, mais saurais voulu que tu revinsses de ton propre mouvement et non pas ramené par la lettre de Louise. Si ton ami Byasson t’a emmené chez lui, ce n’était point, n’est-ce pas, pour te montrer ses tableaux ou ses curiosités, c’était pour tâcher de te décider à te séparer de moi et à rentrer chez ton père. Ne me dis pas non, c’est cette pensée, ce sont ces discours que j’entendais qui m’ont étouffée et qui ont provoqué ma syncope. Quand j’en suis venue à bien préciser la situation et à me dire : écoutera-t-il la voix de son ami ou écoutera-t-il celle de son amour ? retournera-t-il chez son père ou reviendra-t-il ici ? l’angoisse a été si poignante que je me suis évanouie. Mais, malgré tout, malgré l’état affreux dans lequel j’étais, saurais voulu que Louise ne t’écrivît pas. Livré à toi-même tu aurais seul décidé cette situation, c’est-à-dire notre avenir à tous deux, ma vie à moi. C’était une épreuve, elle eût été telle qu’il ne serait plus resté de doute après. Si tu avais été chez ton père, je serais peut-être morte, mais qu’importe la mort, c’est la fin. Au contraire, si tu étais revenu près de moi, librement, quelle joie ! Tu veux me dire que tu es venu, cela est vrai, mais tu es venu, tu l’as reconnu tout à l’heure, parce que Louise t’a écrit que j’étais en danger. Il n’y a pas