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« Voici donc ma situation : le magistrat et l’homme sont perdus, l’un par les dettes, l’autre par la maladie : si je n’offre pas ma démission, on me la demandera ; si je la refuse, on me destituera.

« Destitué, ruiné, aveugle, que puis-je ?

« Deux choses seules se présentent : mendier auprès de mes parents et de mes amis, ou bien me faire nourrir par ma fille qui travaillera pour moi à je ne sais quel travail, puisqu’elle n’a pas de métier.

« Je n’accepterai ni l’une ni l’autre ; ce n’est pas pour entraîner cette pauvre enfant dans ma chute et la perdre avec moi que je l’ai élevée.

« Tant que je serai vivant, Madeleine sera ma fille ; le jour où je serai mort elle deviendra la fille de ton père.

« Il faut donc qu’elle soit orpheline.

« Je n’ai pas besoin de te développer cette idée, qui s’imposera à ton esprit avec toutes ses conséquences ; c’est elle qui a déterminé ma résolution.

« Nos dissentiments et notre rupture n’ont point changé mes sentiments à l’égard de ton père ; je sais quelle est sa générosité, sa bonté, son affection pour les siens, et quant à toi, mon cher Léon, je connais ton cœur plein de tendresse et de dévouement ; Madeleine va perdre en moi un père qui lui serait un fardeau ; elle trouvera en vous une famille, en toi un frère.

« Je sais que je n’ai pas besoin de consulter ton père à l’avance et de lui demander son consentement ; il acceptera Madeleine, parce qu’elle est sa nièce ; mais à toi, mon cher Léon, je veux la confier par un acte solennel de dernière volonté.