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rait vous faire rencontrer avec Léon ailleurs que chez Cara, mais cela pourrait être dangereux. Vous êtes exaspéré contre lui, et de son côté il croit avoir, il a des griefs contre vous : de votre rencontre, il pourrait résulter un choc qui, dans les circonstances présentes, mettrait les choses au pire : je le verrai, moi, et je lui ferai comprendre qu’il est fou.

— Vous parlez de griefs, interrompit M. Haupois.

— Sans doute, il est évident que Léon s’est jeté dans les bras de cette femme et s’est rapproché d’elle plus étroitement parce qu’il a été blessé par la demande en nomination de conseil judiciaire. Quand, sur l’avis de Favas, vous avez adopté cette mesure, je ne vous ai rien dit parce que vous ne m’avez pas consulté, et que rien n’est plus grave que d’intervenir dans une guerre de famille ; mais je n’en ai auguré rien de bon, et j’ai même fait des démarches auprès de trois membres du conseil de famille pour qu’ils n’accueillent pas votre demande, je vous le dis franchement.

— Vouliez-vous donc qu’il nous ruinât ?

— Je ne crois pas qu’il eût été jusque-là, tout au plus aurait-il fait une brèche à la fortune que vous lui laisserez un jour ; enfin cette brèche eût-elle été large, très large, tout n’eût pas été perdu ; il faut savoir faire des sacrifices indispensables avec les jeunes gens, surtout quand ils sont passionnés, et sous son apparence calme Léon est passionné, il est tendre, et quand il aime il est capable de toutes les folies. Vous avez cru que vous aviez un moyen infaillible de l’arrêter, vous en avez usé, et ce moyen s’est retourné contre vous. Vous avez fait comme les gens qui ont une arme aux mains et qui s’en servent aussitôt qu’ils se croient