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qu’après avoir commencé par souhaiter ardemment que la demande en nomination d’un conseil judiciaire fût repoussée, elle en vint à se demander s’il ne valait pas mieux au contraire qu’elle fût admise : repoussée, Léon pouvait se réconcilier avec ses parents ; admise, il ne le pouvait plus et alors il était tout à elle.

Il est vrai qu’il l’était sans rien pouvoir faire ; mais son incapacité d’emprunter et d’aliéner ne serait pas éternelle ; et puis, d’ailleurs, elle ne s’applique qu’aux biens, cette incapacité.

Et quand cette idée se présenta pour la première fois à son esprit, elle se mit à rire toute seule silencieusement : ils étaient vraiment prudents et prévoyants les gens qui faisaient les lois ; ah ! oui, bien prudents, bien perspicaces dans les savantes précautions qu’ils prenaient pour empêcher les jeunes gens de se ruiner !

Le jour du jugement, elle voulut accompagner Léon jusqu’à la porte du Palais, et elle l’attendit là, à moitié cachée au fond de sa voiture. À la façon dont il descendit les marches du grand escalier, elle vit que le conseil judiciaire était accordé, mais elle n’en ressentit aucune contrariété. Cependant, quand il monta en voiture, elle l’enveloppa maternellement dans ses deux bras et elle le tint longuement, passionnément serré contre elle, puis, le regardant en face avec des yeux un peu égarés :

— Si tout est fini avec tes parents, dit-elle, je te reste, moi, je te reste seule ; c’est quand on est malheureux qu’il est bon d’être aimé ; tu verras comme je t’aime.

Et comme il restait accablé, elle le gronda doucement.