Page:Malot - Cara, 1878.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

absorbés par le soin de leurs affaires n’avoir presque pas de temps à lui donner et consacrer tous leurs efforts à faire fortune, le grand but, la joie suprême de leur vie. Plus tard, c’était encore ce souci de la fortune qui les avait empêchés de lui accorder Madeleine pour femme. Et maintenant, c’était toujours à la question d’argent qu’ils le sacrifiaient.

Cara, voyant cet accès de tendresse et en comprenant très-bien la cause, n’avait eu garde de le contrarier ; elle l’avait plaint comme il lui était si doux de l’être, elle l’avait aimé comme il désirait l’être ; elle avait été toute à lui, entièrement pleine de ces prévenances et de ces câlineries qu’une mère a pour son enfant malheureux : maîtresse, mère, sœur et même sœur de charité, elle avait été tout cela à la fois.

Comment ne l’eût-il pas aimée pour cet amour qu’elle lui témoignait alors qu’il se sentait si malheureux. Ce n’était plus la brillante Cara qu’il voyait en elle, c’était la douce et affectueuse Cara qui le consolait, une femme de cœur tendre et aimante.

Avant que le jugement fût rendu, Cara avait pu apprécier les changements qui s’étaient faits, non-seulement dans le cœur de son amant, mais encore dans son esprit ; elle avait pu se rendre compte de l’empire qu’elle avait pris sur lui et de la solidité des liens par lesquels il lui était attaché : il ne sentait plus que par elle, il ne voyait plus que par elle, et, ce qui était d’une bien plus grande importance encore, il ne voyait plus que comme elle voulait qu’il vît, et cela sans désir de la flatter, mais tout naturellement, par accord de la pensée.

Cet état changeait si complétement la situation,