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d’emprunts qui en quelques mois avait dévoré plus de deux cent mille francs, il l’admettait et trouvait même qu’ils n’étaient point tout à fait dans leur tort ; mais qu’ils eussent procédé de cette manière, en arrière de lui, sans le prévenir, c’était ce qui le suffoquait. Pourquoi ne lui avaient-ils rien dit ? il se serait expliqué avec eux et il leur aurait fait comprendre qu’il avait été entraîné, mais que son intention n’était pas du tout de marcher sur ce pied. En réalité, deux cent mille francs n’étaient pas dans sa position une dépense constituant des habitudes de prodigalité telles, qu’on devait les réprimer brutalement, par la nomination d’un conseil judiciaire.

En raisonnant ainsi, il oubliait que le reproche qu’il adressait à son père et à sa mère était celui-là même qu’ils pouvaient le plus justement lui retourner. Indigné qu’ils eussent introduit leur demande sans le prévenir, il trouvait tout naturel de ne pas les avoir avertis qu’on présenterait à leur caisse un billet de 10, 000 francs souscrit à l’ordre de Rouspineau. Il avait eu ses raisons pour agir ainsi, et dans une explication il les eût facilement données. Mais il n’admettait pas que ses parents en eussent eu de leur côté pour agir comme ils l’avaient fait. Quelle différence, d’ailleurs, entre une somme de 10, 000 francs à payer et une demande en nomination de conseil judiciaire !

Le résultat naturel de cette exaspération avait été de le rapprocher de Cara : cela était obligé, étant donné sa nature ; il avait besoin d’être plaint, d’être aimé, de ne pas se sentir isolé.

Et c’était de la meilleure foi du monde qu’il se trouvait abandonné et isolé. Enfant, il avait vu ses parents