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— Voilà une fine mouche, se dit-il, qui trouve que je devrais payer les dettes de sa maîtresse et qui s’y prend adroitement pour m’amener à demander à Cara ce qu’elle doit. Tout cela est assez habile ; mais elle me croit plus jeune que je ne suis.

Et il se décida à demander à Cara l’état de ses dettes, bien convaincu qu’elle le donnerait. Dans les confidences de Louise, il y avait un mot qui l’obligeait à intervenir : « Si elle voulait, elle n’aurait qu’un signe à faire pour que tout fût payé du jour au lendemain. » Si cela n’était pas complètement vrai, il suffisait que ce fût possible pour que Léon trouvât son honneur engagé à payer tout lui-même. Seusement il aurait mieux aimé qu’au lieu de lui faire ce signe plus ou moins adroitement déguisé, Cara s’adressât franchement à lui, cela eût été plus digne, plus conforme au caractère qu’il avait cru trouver en elle, qu’il avait été si heureux de trouver. L’intervention de Louise lui gâtait la Cara qui peu à peu s’était révélée à lui, et qui, justement par les qualités qu’il avait découvertes en elle, s’était emparée de son cœur d’une manière si forte et si profonde. Mais cette déception n’était pas telle qu’elle dût l’empêcher de s’acquitter de son devoir envers elle : il était son amant, son seul amant, elle avait des dettes, il devait les payer, cela était obligé.

Il le devait non-seulement pour lui, pour sa dignité et son honneur, mais il le devait encore pour le monde, c’est-à-dire pour sa réputation. Malgré son amour du tête-à-tête et de l’intimité, Cara n’avait pas rompu avec ses amis et ses connaissances : elle recevait quelques femmes, et un certain nombre d’hommes ; les femmes, bien entendu, appartenaient à son monde, les hommes