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vement, c’était elle. Alors il se jeta derrière un monument pour qu’elle ne le vît pas et ne crût point qu’il était ici pour la surveiller. Pendant un certain temps elle continua sa plantation, creusant et tassant la terre avec ses maints gantées, puis quand elle eut tout nivelé, un jardinier lui apporta un arrosoir plein d’eau, et elle arrosa elle-même les fleurs qu’elle venait de planter. Cela fait, elle s’agenouilla et, après une assez longue prière, elle partit.

Alors Léon, vivement ému, s’approcha, et sur le monument devant lequel elle venait d’arranger ces fleurs, il lut : « Amédée-Claude-François-Régis de Galaure duc de Carami. »

Ainsi celui qu’il avait cru un rival était un mort.

Le jardinier qui avait apporté l’arrosoir, était en train de placer dans sa corbeille les plantes fanées arrachées par Cara ; Léon s’approcha de lui :

— Voilà une tombe pieusement entretenue, dit-il.

— Ah ! il n’y en a pas beaucoup comme ça dans le cimetière : tous les mois, le 17, recta, la garniture est changée, et jamais rien de trop beau, rien de trop cher.

Léon revint à Paris, marchant la tête dans les nuages, et il s’en alla droit chez Cara qui, bien entendu, était rentrée.

L’air radieux avec lequel il l’aborda la frappa :

— Comme tu as l’air joyeux ! dit-elle.

— Oui, je suis heureux, très-heureux.

Et, sans en dire davantage, il l’embrassa avec une tendresse émue.

Il avait son projet.

On était au mercredi, et le lendemain, selon son habitude, Cara devait être absente depuis deux heures