Page:Malot - Cara, 1878.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

paient d’autant d’admiration que de gratitude. Comme elle l’aimait !

Et cependant ?

Cependant, ce point d’interrogation restait enfoncé comme un clou dans sa tête, à l’endroit le plus sensible, lui faisant une blessure de jour en jour plus profonde et plus douloureuse, car chaque dimanche, chaque jeudi, Cara sortait régulièrement comme si elle ne s’apercevait pas du supplice qu’elle lui imposait.

Les choses continuaient d’aller ainsi, sans qu’il fît rien d’ailleurs pour en changer le cours, lorsqu’un jour, un 17 précisément, il reçut un billet pour assister à l’enterrement d’un jeune Espagnol, avec lequel il s’était lié à Madrid, et qui venait de mourir à Paris. Il hésita d’autant moins à se rendre à cet enterrement qu’il ne devait pas voir Cara ce jour-là.

Deux ou trois personnes seulement se trouvèrent avec lui à l’église ; alors, pour que ce pauvre garçon ne fût pas conduit tout seul au cimetière, il l’accompagna et il resta le dernier au bord de la fosse, qui avait été creusée dans la partie haute du Père-Lachaise, au delà de la grande allée transversale.

Comme il redescendait mélancoliquement vers Paris en suivant l’allée des Acacias qui vient aboutir au monument de Casimir Périer, il aperçut une femme qui, de loin, lui parut ressembler à Cara d’une façon frappante : même taille, même port de tête, mêmes épaules, elle était penchée sur la vasque en marbre d’un monument, et dans la terre qui emplissait cette vasque elle plantait des fleurs qu’elle prenait dans une corbeille posée près d’elle. Comme elle lui tournait le dos, il ne pouvait pas la reconnaître sûrement. Elle fit un mou-