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d’elle ; je n’étais pas partisan de l’éducation en commun pour les filles ; jeune encore, je ne voulais pas m’exposer à la tentation de me remarier, ce qui eût pu arriver si je n’avais pas eu ma fille près de moi ; enfin je me disais que, si les hommes ne cherchent trop souvent qu’une dot dans le mariage, il en est cependant qui veulent une femme, et c’était une femme que je voulais élever ; toi qui connais Madeleine, ses qualités d’esprit et de cœur, tu sais si j’ai réussi.

« Tu as passé quelques-unes de tes vacances avec nous ; tu sais quelle était notre vie dans notre petite maison du quai des Curandiers et notre étroite intimité dans le travail comme dans le plaisir ; tu as assisté à nos soiréesde lecture, à nos séances de musique, à nos réunions entre amis, je n’ai donc rien à te dire de tout cela ; à le faire je m’attendrirais dans ces souvenirs si doux, si charmants, et je ne veux pas m’attendrir.

« Cependant, en rappelant ainsi un passé que tu connais dans une certaine mesure, je dois relever un point que tu ignores peut-être, et qui a son importance : nos dépenses dépassèrent chaque année mes prévisions et m’entraînèrent dans des embarras d’argent qui furent les seuls tourments de ces années si heureuses ; mais ton père me vint en aide, et, grâce à son concours fraternel, je pus en sortir à mon honneur.

« Malgré ces embarras d’argent causés le plus souvent par des besoins imprévus, mais dans plus d’une circonstance aussi, je l’avoue, par une mauvaise administration, j’espérais pouvoir suivre jusqu’au bout le plan que je m’étais tracé pour l’éducation de Madeleine, quand