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toi, et je ne pense pas que tu oseras me dire que tu dois me sacrifier à ta boutique. Me le dis-tu ?

Au moment où elle parlait ainsi, elle connaissait déjà assez Léon pour savoir qu’elle le frappait à son endroit sensible.

— Je ne dis rien, si ce n’est que ce que tu désires, je le désire moi-même.

— Eh bien, alors, vivons comme je te le demande, et prouve-moi que tu m’aimes comme je veux être aimée, prouve-le moi tous les jours, à chaque instant, dans tout. Ah ! si j’étais ce qu’on appelle une femme honnête ou si tout simplement j’étais ta femme, je serais moins exigeante, mais je suis Cara, et tu sens bien, n’est-ce pas que c’est par la tendresse, par les soins, par les prévenances, par les égards que tu me le feras oublier, et que tu me prouveras que tu ne vois en moi qu’une femme qui t’adore et qui serait heureuse de donner sa vie pour toi.

La question se trouvant ainsi posée par son père et par Cara, c’était du côté de celle-ci qu’il avait été entraîné. Comment rester à sa « boutique » quand il était attendu ? Comment ne pas venir dîner quand elle l’attendait ? Elle se fâcherait. Pouvait-il la fâcher ?

S’il lui avait plu, ç’avait été un hasard.

Mais maintenant, il voulait mieux que lui plaire, il voulait être aimé, — ce qui était un choix.

Et, il faut bien le dire, ce choix le flattait et lui était doux.

Ce rêve de collégien émancipé, qu’il avait fait si souvent, d’être aimé par une de ces femmes sur qui tout Paris a les yeux, était réalisé.

Cara l’aimait et elle voulait être aimée par lui.