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première fois que tu as accepté mon dîner, j’ai très-bien vu que mon ordinaire ne te convenait pas et que tu étais plus difficile que moi ; alors tout de suite j’ai renvoyé ma cuisinière, qui était bien suffisante pour moi, et j’ai pris à ton intention un cordon bleu.

— Tu as fait cela !

— Et j’en ferai bien d’autres. Comment m’en as-tu récompensée ? Tu as trouvé ma cuisine meilleure, cela est vrai ; mais tu ne lui as guère fait plus d’honneur que si elle avait continué d’être médiocre. Est-ce que tu ne devrais pas rester à déjeuner avec moi tous les matins ; est-ce que tu ne devrais pas revenir dîner tous les soirs ? Comprends donc que je suis affamée de joies que je ne connais pas : celles de l’intérieur, du tête-à-tête, du ménage. Révèle-les moi ces joies, fais-les moi goûter, que je te doive ce bonheur ! As-tu peur de t’ennuyer près de moi ? Non, n’est-ce pas ? Eh bien, restons ensemble le plus que nous pourrons, toujours. Est-ce que nous n’avons pas mille choses à nous dire, et, lorsque nous nous séparons, est-ce que nous ne nous apercevons pas que nous n’avons presque rien dit ? Ah ! cette vie à deux, à un, comme je la voudrais étroite et fermée, si intime qu’il n’y ait place entre nous que pour ce qui est toi et pour ce qui est moi !

Cette vie intime à deux c’était celle que Léon avait si souvent rêvée, si souvent désirée en ses heures d’isolement ; aussi ce langage dans la bouche de sa maîtresse l’avait-il profondément ému.

— Si tu n’étais pas libre, avait-elle dit en continuant, je ne te parlerais pas ainsi, et je ne serais pas femme, je l’espère, à te faire manquer ta vie, pour la satisfaction de notre bonheur. Mais justement tu es maître de