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Alors elle avait continué de façon à préciser ce qu’elle voulait dire :

— Cela t’étonne, n’est-ce pas, de m’entendre parler ainsi d’un homme tel que toi, et cependant, si tu veux réfléchir, tu sentiras combien mes paroles sont raisonnables. Si ton père est riche, il l’est d’une bonne petite fortune bourgeoise qui n’a rien à voir avec le grand luxe ; et puis il connaît le prix de l’argent ; c’est un commerçant, et il ne laisserait assurément pas écorner un morceau de cette fortune sans s’en apercevoir, et sans pousser des cris de chat qu’on écorche tout vivant. D’autre part, elle n’est pas à toi cette fortune, elle est à ton père, à ta mère, qui sont jeunes encore, et qui, je te le souhaite de tout cœur, ont peut-être vingt ans, ont peut-être trente ans à vivre. Il y aurait donc là encore, tu le vois maintenant, une sorte de preuve pour démontrer que je ne suis pas celle qu’on dit ; mais elle ne me suffit pas.

— Que veux tu donc ?

— Je te l’ai dit, qu’aucune question d’argent ne puisse se mêler à notre amour ; voilà pourquoi désormais tu ne me feras plus des cadeaux qui valent 15 ou 20, 000 francs. Mais, si je ne veux pas accepter de toi ce qui a une valeur matérielle, je te demande et j’exige ce qui à mes yeux est sans prix : tes soins, ton temps, ta tendresse, ton amour, ton amitié, ton estime, tout ce que le cœur, mais le cœur seul, peut donner. Et, de ce côté, tu verras que je te demanderai beaucoup. Ainsi laisse-moi te faire un reproche à ce sujet : depuis que nous nous aimons, c’est à peine si tu as dîné ici cinq ou six fois. Ça n’était pas là ce que j’avais espéré et la preuve c’est que j’avais pris une cuisinière pour toi. La