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au bout de quelques années la maîtresse du duc de Carami. C’est le temps de sa splendeur. Elle tue le duc ou il se tue tout seul, ce dont d’ailleurs il était bien capable, et par son testament il laisse une partie de ce qui restait de sa fortune à sa maîtresse. Le testament est attaqué pour captation, et c’est Nicolas qui plaide contre Cara. Vous savez quelle est la manière de plaider de Nicolas, quel est son système de personnalités et d’injures ; il a formé son dossier avec des notes qui lui ont été fournies par la préfecture de police, il lit ces notes et montre ce qu’a été Cara depuis l’âge de treize ans, c’est-à-dire depuis son arrivée à Paris. Jamais réquisitoire n’a été plus écrasant, et ce qui lui donne un caractère de cruauté réelle, c’est la présence de Cara à l’audience. Quand Nicolas se tait, elle se lève et s’avance à la barre dans sa toilette de deuil de veuve, simple, chaste cependant élégante. Elle demande à donner quelques explication et prend la parole : « Tout ce qu’on vient de dire de moi est vrai, au moins pour le fond ; oui, je suis née dans le ruisseau, j’en conviens, mais peut-on me faire responsable de la fatalité de ma naissance ? oui, mon enfance s’est passée dans la fange, mais quand j’ai eu la force de vouloir et de lutter, j’en suis sortie. Mais que dire de celles qui, nées dans le ciel, descendent volontairement dans le ruisseau ; que dire de la fille d’un des plus riches banquiers de Paris, d’un pair de France, qui se marie, enceinte de cinq mois ? » Là-dessus, comme vous le pensez bien, le président, indigné, lui coupe la parole. Elle s’assied avec calme ; elle avait dit ce qu’elle voulait dire : La fille du pair de France se mariant enceinte, c’était la duchesse de Carami. Voilà qui vous fera con-