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quelconque, étaient des Cara. Vous vous contentiez de hausser les épaules quand nous le voyions, le nez collé contre les vitres, regardant leur défilé. Et vous haussiez les épaules encore quand vous le preniez à lire ces journaux ou ces romans qui ont la prétention d’être l’expression du Ingh-life parisien. Il ne vous faisait point part de ses idées, bien entendu, mais avec moi il regimbait quand je me moquais de lui, et j’ai pu juger alors combien était vive sa curiosité de savoir quelle était cette existence qui l’attirait et le fascinait. Pour moi c’est un miracle que jusqu’à ce jour il n’ait pas fait de grosses folies, et je ne m’explique sa sagesse que par la nullité ou la sottise des femmes qui n’auront pas su le prendre et le retenir. Mais Cara n’est pas de ces femmes : elle n’est pas nulle, elle n’est pas sotte.

— Qu’est-elle, donc ? C’est pour que vous me le disiez que je vous parle d’elle, ou tout au moins pour que vous me disiez ce que vous en savez.

— Cara, que dans son monde on appelle Carafon, Caramel, Carabosse, Caravane, Carapace et surtout Caravansérail, — ce qui, eu égard à ses mœurs hospitalières, est une sorte de qualificatif parfaitement justifié, — Cara, de son vrai nom, est mademoiselle Hortense Binoche, née à Montlignon, dans la vallée de Montmorency, de parents pauvres et peu honnêtes. Son enfance ne fut pas trop malheureuse, car à neuf ans elle séduisit par sa gentillesse, — vous Voyez qu’elle a commencé de bonne heure, — une vieille dame riche qui la fit élever dans un couvent. Malheureusement, la vieille dame mourut, et alors commença pour la jeune fille une existence de misère horrible. On la retrouve