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celle qui avait le plus grand intérêt à la connaître, — c’est-à-dire « le papa ».

Il est vrai que M. Haupois-Daguillon s’occupait fort peu de ce qui se passait dans le monde des cocottes, qu’il appelait « des lorettes ou des courtisanes ». Bel homme et gâté en sa jeunesse par des succès qui s’étaient continués jusque dans son âge mûr, il n’avait jamais compris qu’on se commît avec des femmes « qui font marchandise de leur amour ». À quoi bon, quand il est si facile de faire autrement.

Cependant le bruit fut tel qu’il arriva un jour à ses oreilles ; alors il voulut tout naturellement savoir s’il était fondé, et comme il lui était difficile d’interroger celui qui pouvait lui faire la réponse la plus précise, c’est-à-dire Léon, il s’en expliqua avec son ami Byasson, qui devait avoir des renseignements à ce sujet.

En effet, bien que Byasson n’eût pas de relations dans le monde de Cara, il savait à peu près ce qui s’y passait, comme il savait ce qui se passait dans d’autres mondes, auxquels il n’appartenait pas plus qu’à celui des cocottes, simplement en qualité de curieux qui veut être informé de ce qui se dit et se fait autour de lui. Cette curiosité, il ne l’appliquait pas seulement aux bavardages de la chronique parisienne plus ou moins scandaleuse, mais il la portait encore sur les sujets d’un ordre tout autre, sur tout ce qui touchait à la littérature, à la peinture, à la musique. Bien qu’il ne fût qu’un commerçant, il ne laissait pas paraître un livre nouveau un peu important sans le lire, et sans se faire lui-même, — et l’un des premiers, — une opinion à son sujet dont rien plus tard ne le faisait démordre, pas plus l’éloge que le blâme. Dans tous les bureaux