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lecture de la lettre, dont les premières lignes l’avaient si profondément bouleversé.

Mais la voiture franchit en moins de cinq minutes la distance qui sépare la rue Royale de la rue Saint-Lazare : quand elle entra dans la cour de la gare, il n’avait pas encore tourné le premier feuillet ; l’horloge allait sonner neuf heures.

Il était temps : on ferma derrière lui le guichet de distribution des billets.

Ce fut seulement quand il se trouva installé dans son wagon, où il était seul, qu’il reprit sa lecture, non au point où il l’avait interrompue, mais à la première ligne :

« Mon cher Léon,

« Ma dépêche télégraphique d’hier, par laquelle je te demandais si tu serais à Paris libre de toute occupation pendant la fin de la semaine, a dû te surprendre jusqu’à un certain point.

« En voici l’explication :

« Je vais mourir, et tu es la seule personne au monde, mon cher neveu, qui puisse assister ma fille, ta cousine ; dans cette circonstance, il fallait donc que je fusse certain qu’aussitôt prévenu tu pourrais accourir près d’elle.

« Cette certitude, ta réponse me la donne, et, comme d’avance je suis sûr de ton cœur, je puis maintenant accomplir ma résolution.

« Tu connais ma position, je n’ai pas de fortune. Nés de parents pauvres, ton père et moi nous n’avons pas eu de patrimoine. Mais tandis que ton père, jetant un clair regard sur la vie, embrassait la carrière commer-