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des successeurs au duc, elle n’aurait eu qu’à faire son choix parmi les plus ilustres et les plus riches. Mais elle voulait être fidèle au souvenir et au culte de celui qu’elle avait adoré, et dont elle se considérait comme la veuve. Cependant la misère était devant elle, car ce procès l’avait ruinée, et elle avait une peur effroyable de la misère, la peur de ceux qui sont connue dans ce qu’elle a de plus hideux. Parmi ceux qui la pressaient se trouvait un riche financier, Salzondo, cet Espagnol dont tout Paris a connu la vanité folle et les prétentions, et qui, portant perruque sur une tête nue comme un genou, se faisait chaque matin ostensiblement couper quelques mèches de sa perruque chez le coiffeur le plus en vue du boulevard, pour qu’on crût qu’il avait des cheveux. Salzondo ne demandait à sa maîtresse qu’une seule chose, qui était qu’elle fît croire et fît dire qu’il avait une maîtresse, comme ses perruques faisaient croire qu’il avait des cheveux, quand, en réalité, il n’avait pas plus de maîtresse que de cheveux. Hortense accepta ce marché, qui n’était pas bien honorable, j’en conviens, mais qui, pour elle, valait encore mieux que la misère, et pendant plusieurs années, le tout Paris dont se préoccupait tant Salzondo put croire que celui-ci avait une maîtresse. C’est là un fait bizarre, n’est-ce pas ? et cependant il est rigoureusement vrai, ces choses-là ne s’inventent pas.

Sans répondre, Léon inclina la tête par un mouvement qui pouvait passer pour un acquiescement.

— Encore un mot, continua Cara, et saurai fini. Au bout de quelques années, Hortense se lassa de ce jeu ridicule. Depuis longtemps elle aspirait à une vie régulière, sa réputation la suffoquait, et le milieu dans