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jusqu’au moment où il disparut dans la confusion des voitures.

Elle le connaissait bien, ce jeune homme, pour le voir souvent passer : c’était le duc de Carami, célèbre alors par sa grande existence, ses pertes au jeu, ses chevaux, ses maîtresses et ses folies toutes marquées au coin de l’originalité.

Le lendemain, Hortense se trouvait à la même place, quand le duc s’arrêta devant elle ; mais cette fois il descendit de voiture, et, au grand ébahissement des gens qui passaient, il resta à causer avec elle pendant un grand quart d’heure, lui demandant qui elle était et bien surpris de ses réponses.

Il revint le lendemain encore, puis le surlendemain, puis pendant toute la semaine, chaque jour à la même heure, et quinze jours après il installait Hortense, la pauvre petite fille de la vallée de Montmorency, dans un hôtel de la rue François Ier, qui coûtait dix mille francs de loyer ; elle qui, quelques jours auparavant, n’avait aux pieds que des savates ou des sabots, elle trouvait six chevaux dans son écurie.

C’est depuis ce jour qu’Hortense, en quelque saison que ce fût, a toujours eu un bouquet de violettes près d’elle, — souvenir des fleurs qu’elle vendait sur le Cours-la-Reine.

Disant cela, Cara regarda le bouquet placé sur la table où, quelques instants auparavant Léon était accoudé ; puis elle continua :

— Ne blâmez pas la pauvre fille de s’être ainsi jetée dans les bras du duc, elle n’a pas réfléchi si elle se vendait ou si elle se donnait ; elle était fascinée, éblouie par ce beau jeune homme, qu’elle adorait et