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pas disposés à se charger de cette petite fille qu’ils ne connaissaient pas, une des sœurs la ramena chez sa mère à Montlignon. Elle avait alors treize ans et quelques mois.

La question qu’elle se posait en revenant était de savoir à quoi on allait l’employer lorsqu’elle serait rentrée dans la maison maternelle, car une enfance comme celle qu’elle avait eue rend l’esprit pratique et prévoyant.

Cette question fut vite résolue.— Te voilà, dit sa mère en la voyant entrer.— Oui, je viens pour rester avec vous.— Rester, tu n’y pense pas ; pour que le père fasse de toi ce qu’il a fait de l’aînée, jamais ; tu vas t’en aller, et tout de suite.— Où, — N’importe où, fût-ce en enfer, tu serais mieux qu’ici : sauve-toi, malheureuse.

Si une enfant de treize ans ne comprenait pas toutes ces paroles, elle en comprenait le ton et sentait bien qu’il était inutile d’insister. Après une assez longue discussion ou plus justement une longue recherche, il fut décidé qu’elle irait à Paris demander l’hospitalité à une de ses tantes, fruitière dans le quartier des Invalides. Seusement, comme le prix d’un billet coûte dix-neuf sous d’Ermont à Paris et qu’il n’y avait que onze sous à la maison, il fut décidé qu’elle irait prendre le train à Saint-Denis, ce qui ne coûterait que huit sous. Sa mère l’accompagna, et, le billet de chemin de fer pris, elle lui donna les trois sous qui lui restaient.

Ce fut avec ces trois sous qu’elle entra dans la vie, à treize ans, après avoir embrassé sa mère, qu’elle ne devait pas revoir.

Quand elle entra chez sa tante la fruitière, vous