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longtemps déjà, et comme les descriptions m’ennuient quand j’en trouve dans certains romans, où trop souvent elles ne figurent que pour masquer le vide du récit, je passe cette description et vous dis tout de suite que notre petite fille est né à Montlignon. Elle était le dernier enfant d’une famille qui en comptait trois : un garçon, l’aîné, et deux filles. Cette famille était pauvre, très-pauvre ; le père était terrassier chez un pépiniériste et la mère travaillait à la terre avec son mari ; c’était elle qui mettait dans les rigoles les graines ou les plants que son homme recouvrait à la houe ou au râteau. Notre jeune fille… Si nous lui donnions un nom ? cela serait plus commode. Mais j’ai si peu d’imagination que je n’en trouve pas.

— Si nous la baptisions Hortense.

— C’est cela. Hortense donc, ne connut pas son père, qui mourut quand elle n’avait que deux ans. Si la vie avait été difficile quand le père apportait son gain à la maison, elle le fut bien plus encore quand la mère se trouva seule pour travailler et nourrir ses trois enfants. Plus d’une fois on ne mangea pas, et tous les jours on resta sur son appétit, ce qui, prétendent les gens qui se donnent des indigestions, est excellent pour la santé… des autres. Devant cette misère, la mère se remaria, non par amour, mais par spéculation, pour trouver quelqu’un qui l’aidât à nourrir sa famille. Se vendre ainsi sans mariage est une infamie ; mais se vendre avec le mariage, c’est tout autre chose. L’homme que la mère d’Hortense avait pris était une sorte de brute, terrassier aussi, et qui n’avait d’autre mérite que de travailler comme deux. C’était justement ce qu’il fallait. Malheureusement à côté de cette qua-