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— Cette maxime n’est pas consolante, dit Henri Clergeau.

— J’entends un amour pour un homme qui n’est pas digne de l’inspirer, un être vil, bas et grossier comme Otto ; mais si celui qui inspire cet amour est un cœur loyal et bon, un esprit distingué, un caractère honnête, quoi de meilleur au contraire que d’aimer et d’être aimée ? Toute la vie ne tient-elle pas dans une heure d’amour ?

— C’est bien court, une heure, dit Henri Clergeau en riant.

— Il y a tant de gens qui n’ont point eu cette heure, dit Léon.

— C’est à la femme qui aime de faire durer cette heure ; est-ce qu’il ne vous est pas arrivé quelquefois de regarder votre pendule à un moment donné de la journée, puis après qu’un temps assez long s’est écoulé, de voir en la regardant de nouveau qu’elle marque quelques minutes seulement après l’heure que vous aviez notée ; elle s’est arrêtée, voilà tout, et vous avez vécu sans avoir conscience du temps ; eh bien, il me semble que, quand on aime, on peut ainsi suspendre le cours du temps ; les jours, les mois, les années s’écoulent sans qu’on s’en aperçoive ; quoi de plus délicieux qu’une existence qui est un rêve ? Mais, voici Otto, Ah ! comme il a vieilli.

— Et voici Zabette.

En voyant paraître les deux gymnastes, un brouhaha s’était élevé dans la salle et toutes les lorgnettes s’étaient braquées sur eux.

Au-dessus du murmure confus des voix, on entendait des chuchotements qui ne variaient guère :