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— Ce n’est pas une lettre d’affaires.

— Quand même ce serait une lettre d’amour, je ne le réveillerais pas.

— C’est une lettre de famille, le bonhomme Savourdin a reconnu l’écriture ; il dit qu’elle est de M. Armand Haupois, l’avocat général de Rouen, l’oncle de M. Léon ; ce qui est assez étonnant, car les deux frères ne se voient plus ; mais ils veulent peut-être se réconcilier ; M. Armand Haupois a une fille très jolie, mademoiselle Madeleine, que M. Léon aimait beaucoup.

— Elle n’a pas le sou, votre fille très-jolie ; cela m’est donc bien égal que M. Léon l’ait aimée, car l’héritier de la maison Haupois-Daguillon n’épousera jamais une femme pauvre ; je suis tranquille de ce côté, les parents feront bonne garde, ils ont d’autres idées, que je partage d’ailleurs jusqu’à un certain point.

— Oh ! alors…

— Est-ce que vous vous imaginez, mon cher, qu’un homme comme moi aurait accepté M. Léon Haupois si j’avais admis la probabilité, la possibilité d’un mariage prochain ? Allons donc ! Ce qu’il me faut, c’est un garçon qui mène la vie de garçon ; c’est une règle de conduite. Voilà pourquoi je suis entré chez M. Léon ; c’était un fils de bourgeois enrichi et je m’étais imaginé qu’il irait bien : mais il m’a trompé.

— Il ne va donc pas ?

Joseph haussa les épaules.

— Pas de femmes, hein ? insista le garçon de bureau en clignant de l’œil.

— Mon cher, les hommes ne sont pas ruinés par les femmes, ils le sont par une ; plusieurs femmes se