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tout autant à Henri Clergeau qu’à Léon, et cependant c’était la première fois qu’elle se trouvait avec celui-ci ; elle le connaissait de vue et de nom comme lui-même la connaissait, mais sans qu’une parole eût jamais été échangée entre eux.

Léon remarqua que le timbre de sa voix était harmonieux et doux ; il fut frappé aussi de la réserve de ses manières, de la correction de ses gestes, de la limpidité de son regard.

Pendant qu’il l’examinait, elle continuait à s’entretenir avec Henri Clergeau, et elle le faisait sans éclats de voix, sans rires forcés, convenablement, décemment, comme une femme du monde.

Cependant, la première partie du programme avait été remplie, et l’on s’occupait à dresser un immense filet au-dessus de l’arène et à le bien raidir de façon à atténuer le danger des chutes pour les gymnastes.

Cela avait amené tout naturellement la conversation sur Otto, et Léon remarqua que Cara montrait une complète indifférence sur la question de savoir si Zabette était ou n’était pas une femme, question qui à ce moment même passionnait tant de curiosités féminines et même masculines, et faisait à l’avance préparer tant de lorgnettes.

Cara parlait d’Otto avec un mépris qu’elle ne prenait pas la peine de dissimuler.

— Vous ne l’aimez pas, dit Léon.

— J’avoue que je le déteste ; il a tué une de mes amies, cette pauvre Emma Lajolais, qu’il a ruinée et martyrisée[1]. Ah ! c’est un grand malheur pour une femme de se laisser prendre par l’amour.

  1. Voir la Fille de la Comédienne.