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Alors Léon et son ami s’amusèrent au spectacle de la salle, qui assez rapidement se remplissait, car l’heure arrivait où Otto et Zabette allaient s’élancer sur leurs trapèzes ; de tous côtés apparaissaient des figures de connaissance, des habitués des clubs et des courses ; çà et là quelques femmes honnêtes accompagnées d’amis intimes, et partout les autres, bruyantes, tapageuses, se montrant, s’étalant et provoquant les lorgnettes. À l’une des entrées, juste en face d’eux, de l’autre côté de l’arène, surgit une femme de trente ans environ, vêtue de blanc avec une simplicité et un goût qui auraient sûrement affirmé à ceux qui ne la connaissaient pas que c’était une honnête femme.

— Tiens, Cara ; dit Henri Clorgeau, là-bas, en face de nous, en blanc comme une vierge ; elle adresse des discours à l’ouvreuse, ce qui indique qu’elle n’a pas de place numérotée.

Prenant sa lorgnette, Léon se mit à la regarder.

— Il y avait longtemps que je ne l’avais vue ; elle ne vieillit pas.

Et elle ne vieillira jamais ; te rappelles-tu qu’il y a dix ans, quand nous la regardions, de tes fenêtres, passer dans sa voiture, elle était exactement ce qu’elle est aujourd’hui.

— Moins bien.

— Elle avait quelque chose de vulgaire qu’elle a perdu au contace de ceux qui sont formée.

— Il est vrai qu’on la prendrait pour une femme du monde.

— Et du meilleur.

— Je n’ai jamais vu une cocotte s’habiller avec sa distinction.