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-être apercevoir ma cousine Madeleine. C’est stupide, car il est bien certain que la pauvre petite, si elle vit du travail de ses mains, comme cela est probable, a autre chose à faire qu’à passer ses soiréesdans les théâtres. Mais c’est égal, si stupide que cela soit, je regarde toujours ; c’est comme dans les rues ou dans les promenades, où je dois avoir l’air d’un chien qui quête.

— Elle te tient bien au cœur.

— Plus que tu ne saurais le croire ; mais elle m’y tient d’une façon toute particulière, avec quelque chose de vague et je dirais même de poétique, si le mot pouvait être appliqué à notre existence si banale ; c’est un souvenir de jeunesse dont le parfum m’est d’autant plus doux à respirer que les sentiments qui sont formé sont plus purs ; je penserai toujours à elle, et ce ne sera jamais sans une tendresse émue.

— La police n’a pu rien découvrir ?

— Rien. Elle m’a seulement donné une terrible émotion pendant que tu étais à Londres. Un matin on est venu me dire qu’on avait trouvé dans la Seine le corps d’une jeune fille dont le signalement se rapprochait par certains points de celui de Madeleine. J’ai couru à la Morgue, dans quel état d’angoisse, tu peux te l’imaginer. On m’a mis en présence du cadavre ; c’était celui d’une belle jeune fille. Dans mon trouble, j’ai cru tout d’abord que c’était elle ; mais je m’étais trompé. Jamais je n’ai éprouvé plus cruelle émotion ; je vois encore, je verrai toujours ce cadavre et, chose horrible, j’y associerai la pensée de Madeleine tant qu’elle n’aura pas été retrouvée.

Jeanne d’Arc venait de mourir brûlée sur son bû-