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priait chaque soirde vérifier la caisse, il s’acquittait de cette besogne avec une nonchalance véritablement inexplicable. Quelle différence entre la mère et le fils ! et le bonhomme Savourdin, qui avait des lettres, s’écriait de temps en temps : O tempora, o mores ! en se demandant avec angoisse à quels abîmes courait la société.

Il y avait déjà douze jours que M. et madame Haupois-Daguillon étaient partis pour les eaux de Balarue, lorsqu’un jeudi matin, en classant le courrier que le facteur venait d’apporter, le bonhomme Savourdin trouva une lettre adressée à M. Léon Haupois, avec la mention « personnelle et pressée » écrite au haut de sa large enveloppe.

Aussitôt il appela un garçon de bureau :

— Portez cette lettre à M. Léon.

— M. Léon n’est pas levé.

— Eh bien, remettez-la à son domestique en lui faisant remarquer qu’elle est pressée.

— Ce ne sera pas une raison pour que M. Joseph prenne sur lui d’éveiller son maître.

— Vous lui direz, ajouta le caissier en haussant doucement les épaules par un geste de pitié, que ce n’est pas une lettre d’affaires ; l’écriture de l’adresse est de la main de M. Armand Haupois, l’oncle de M. Léon, et le timbre est celui de Lion-sur-Mer, village auprès duquel M. l’avocat général habite ordinairement avec sa fille pendant les vacances pour prendre les bains. Cela décidera sans doute Joseph, ou comme vous dites « M. Joseph », à réveiller son maître.

Le garçon de bureau prit la lettre et, secouant la tête en homme bien convaincu qu’on lui fait faire une