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homme ou d’une jeune fille ayant une belle voix. Et ce ne sont pas des artistes, comme vous pourriez le croire ; le plus souvent ce sont des artisans, des menuisiers, des boutiquiers, n’importe qui, ils ont un petit capital et ils l’emploient à l’exploitation de celui ou de celle qu’ils ont découvert. Pour cela ils traitent soit avec les parents, soit avec le sujet lui-même, c’est-à-dire qu’ils l’achètent pour un certain temps. Pendant les premières années, ils lui donnent le logement, la nourriture, l’habillement et surtout l’éducation musicale, et, en échange, le jeune homme ou la jeune fille abandonne à son maître ce qu’il gagne, ou plus justement partie de ce qu’il gagne, lorsqu’il commence à gagner quelque chose. Mais nous ne sommes pas en Italie, me direz-vous. C’est juste ; seulement, il y a des Italiens à Paris. Précisément, j’en connais un qui, après avoir fait ce métier pendant sa jeunesse, s’est fixé à Paris en ces derniers temps et a ouvert, rue de Châteaudun, une boutique de bric-à-brac, de curiosités, de meubles italiens. Je l’irai voir. Je lui dirai ce que je pense de votre voix et de vos dispositions. Puis, je lui demanderai s’il veut se charger de vous. Mais, avant que je fasse cette démarche, il faut que vous me disiez si vous, de votre côté, vous êtes disposée à accepter la direction de mon homme, ainsi que les conditions qu’il vous imposera.

— Avec reconnaissance et de tout cœur.

— N’allez pas si vite et surtout ne vous emballez pas avec Sciazziga, — c’est mon italien ; défendez vos intérêts puisque vous êtes orpheline et que vous n’avez personne pour vous protéger, c’est un avertissement que je vous donne. Je connais le Sciazziga ; il sera âpre ; vous, de votre côté, soyez ferme et ne lui cédez pas tout ce