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Au moment où elle ouvrait la bouche, Lozès l’arrêta :

— Dis donc, toi, je t’ai déjà fait remarquer qu’on devait m’embrasser en arrivant ; si cela ne te va pas, dis-le.

La jeune fille ne dit rien, mais s’avançant vers Lozès qui, sans se lever, tendit son cou vers elle, elle l’embrassa sur sa joue rasée, qui, de loin, paraissait toute bleue.

La bruit de ce baiser fit frissonner Madeleine de la tête aux pieds, et son cœur se souleva. Et quoi ! elle aussi, elle devrait embrasser ce comédien !

La pensée lui vint de se sauver au plus vite, mais la réflexion la retint ; il fallait persévérer quand même.

La leçon avait commencé, mais elle n’alla pas loin.

— Ce n’est pas ça, s’écria Lozès, arrête, et va t’asseoir sur cette chaise là-bas ; tu croiseras tes bras derrière et tu respireras fortement ; tu t’arrangeras pour que ta respiration descende sans remuer la poitrine. À un autre.

Un ténor vint remplacer la jeune fille aux bijoux, qui alla s’asseoir sur sa chaise et s’appliqua à faire descendre sa respiration.

Ou bien Lozès n’était pas de bonne humeur, ou bien il avait mauvais caractère, car le jeune ténor avait à peine dit quelques mots, qu’il se fâcha :

— Toi, je t’ai déjà dit de choisir ; veux-tu chanter à la manière française, en ouvrant la bouche en rond, ou bien à la manière italienne, en l’ouvrant en large et en souriant ; tu as une tête à sourire, souris donc ; ça charmera les femmes.

Le ténor recommença en ouvrant si largement la bouche qu’il montra toutes ses dents.