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tibule, elle s’arrêta un moment sans oser entrer.

Au fond de l’atelier, un jeune home à la figure énergique et de carrure athlétique chantait le grand air de Rigoletto, qu’un gros homme au teint jaune, vêtu d’une robe de chambre crasseuse et chaussé de chaussons de feutre, écoutait, assis dans un vieux fauteuil, en roulant des yeux blancs, — Lozès, sans aucun doute, qui donnait une leçon ; et ce n’était pas le moment de le déranger.

Cependant, comme Madeleine ne pouvait pas rester immobile au milieu de l’atelier, elle regarda autour d’elle pour voir si elle ne trouverait pas une place où elle pourrait attendre sans attirer l’attention. Déjà les gros yeux blancs de Lozès, qui s’étaient fixés sur elle à son entrée, ne l’avaient que trop intimidée. Dans un coin formant enfoncement, elle aperçut deux vieilles femmes de tournure vulgaire et bizarrement accoutrées, assises sur des banquettes ; elle se dirigea doucement de leur côté et s’assit derrière elles.

Aussitôt elles se retournèrent, et longuement, attentivement elles la dévisagèrent, en tachant de percer son voile.

— C’est-y pour prendre une leçon de môsieu Lozès que vous venez ? demanda l’une d’elles à voix basse.

Madeleine sans répondre fit un signe affirmatif.

— Pour lors faut attendre, parce que ct’homme il n’aime pas a été dérangé.

L’autre alors prit la parole, et son ton noble, emphatique, théâtral, contrasta singulièrement, avec celui de la première vieille ; elle posa une série de questions à Madeleine, qui ne répondit que par signes exactement comme si elle avait été muette.