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Et il laissa paraître un sourire de satisfaction.

Puis, après avoir marché pendant quelques minutes de long on large dans le salon, il vint s’asseoir près de Madeleine.

— Mademoiselle, dit-il, le témoignage, de confiance et d’estime que vous m’avez donné en venant ici m’impose un devoir, celui de vous éclairer. Bien que je n’aie pas l’honneur de vous connaître depuis longtemps, il ne m’est pas difficile de voir que vous êtes une jeune fille bien élevée, distinguée, intelligente, instruite, pleine de pureté, d’innocence et d’ignorance, cela saute aux yeux ; laissez-moi donc vous le dire, ce n’est point un compliment banal, et je ne parle de ces qualités que pour pouvoir justifier le rôle que je crois devoir prendre auprès de vous ; soyez convaincue que ce que j’ai à vous dire est tout à fait en dehors du jugement que j’ai pu porter sur votre talent tout à l’heure. Il est possible qu’après un certain temps d’études sérieuses ce talent se développe et devienne un grand talent ; mais il est possible aussi qu’il ne se développe pas et qu’il reste ce qu’il est en ce moment, supérieur dans le monde, j’en conviens volontiers, insuffisant au théâtre. Là n’est donc pas absolument la question. Elle est où ma conscience la place : dans la carrière que vous voulez embrasser, et c’est là ce qui m’oblige à vous éclairer sur les terribles difficultés, sur les insurmontables difficultés que vous voulez affronter sans les connaître. Mon âge et mon expérience me donnent pour cela une autorité, qui, je l’espère, vous fera réfléchir sérieusement pendant qu’il en est temps encore. Vous m’écoutez, n’est-ce pas ?

— Si je vous écoute ! Oh ! oui monsieur.