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elle voulut qu’il fût rendu en connaissance de cause, et elle choisit le grand air du Freyschutz.

Aux premières mesures Maraval, qui avait gardé son attitude composée, prêta l’oreille.

Madeleine commença le récitatif :

Le calme se répand sur la nature entière.

Maraval ne la laissa pas aller plus loin :

— Parfait ! s’écria-t-il, brava, brava, tous mes compliments à la pianiste et à la chanteuse ; vous avez choisi un morceau aussi difficile pour l’une que pour l’autre, et il est inutile que vous alliez plus loin pour que je voie de quoi vous êtes capable ; mais pour mon plaisir je vous demande la grâce de continuer.

Jamais parole plus douce n’avait caressé son oreille, jamais applaudissements ne l’avaient si profondément émue : les portes du théâtre s’ouvraient devant elle.

N’étant plus paralysée par l’émotion, elle se livra entièrement, et quand elle eut achevé cet air qui a fait le désespoir de tant de chanteuses de talent, les applaudissements de Maraval recommencèrent, non pas insignifiants dans leur banalité mais tels qu’un maître pouvait les donner.

— Alors, demanda Madeleine timidement, vous croyez que je pourrais bientôt débuter au théâtre ?

Instantanément, la physionomie souriante de Maraval changea :

— Au théâtre, s’écriait-il, c’est pour le théâtre que vous me consultez ?

— Mais oui.

— J’ai cru qu’il s’agissait du monde et des salons, et je ne retire rien de ce que j’ai dit : la nature a été géné-