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qu’une voix ingrate et qu’un extérieur peu agréable, c’était à force de travail, d’études, de volonté et d’intelligence qu’il était arrivé à cette position. Le succès avait été d’autant plus lent qu’il n’avait été aidé par aucun de ces petits moyens qu’emploient si souvent ceux qui veulent réussir à tout prix : la réclame, la bassesse ou l’intrigue. Honnête homme, galant homme dans la vie, il avait voulu l’être, — ce qui est plus difficile, —-même au théâtre, et il l’avait été ; aussi, lorsque dans la conversation on voulait citer un artiste qui honorait sa profession, son nom se présentait-il toujours le premier : « Voyez Maraval. » C’était non-seulement par ces qualités qu’il s’était imposé aux sympathies bourgeoises, mais c’était encore par la fortune : économe, soigneux, rangé, il avait mis de côté la grosse part de ce qu’il avait gagné, et en ces dernières années il s’était fait construire avenue de Villiers un petit hôtel qui rehaussait singulièrement la considération dont il jouissait dans un certain monde. C’était là qu’il vivait bourgeoisement, entre son fils, avocat distingué, et son gendre, associé d’une maison de soieries de la place des Victoires ; bon époux, bon père, bon bourgeois de Paris, il n’avait plus d’autre ambition que de former des élèves dignes de lui.

Sans l’avoir jamais vu autre part qu’au théâtre, Madeleine savait tout cela, et c’était ce qui l’avait déterminée à s’adresser à lui. N’avait-il pas tout ce qu’elle pouvait désirer : le talent et l’honnêteté ?

Sortant de la cité des Fleurs, elle se dirigea vers l’avenue de Villiers, où elle ne tarda pas à arriver ; mais, ignorant où demeurait Maraval, elle demanda son adresse à un sergent de ville du quartier, qui de la