Page:Malot - Cara, 1878.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les choses s’arrangèrent à souhait pour le succès de son dessein : la cuisinière était sortie pour aller à la halle, elle envoya en course le valet de chambre ainsi que la femme de chambre, et alors elle put aller chercher son fiacre et son commissionnaire.

Lorsque le commissionnaire fut sorti, emportant sur son dos la dernière caisse, Madeleine resta un moment immobile au milieu de cette chambre où elle avait cru que s’écoulerait sa vie, où elle était restée si peu de temps.

Elle alla s’agenouiller devant le portrait de Léon, comme dans la nuit où il lui avait parlé, et, l’ayant embrassé, elle s’enfuit sans se retourner : le bruit de la porte qu’elle tira pour la fermer lui écrasa le cœur, et en descendant l’escalier elle fut obligée de s’appuyer sur la rampe.

Elle se fit conduire à la gare Saint-Lazare, où elle prit un billet pour Argenteuil. À Argenteuil, elle descendit du train et se promena pendant une demi-heure. Puis, revenant au chemin de fer, elle prit un billet pour Paris (gare du Nord), où elle arriva deux heures après avoir quitté Paris (gare de l’ouest). Si on la cherchait, il y avait bien des chances pour qu’on ne devinât pas cet itinéraire ; on la croirait plutôt partie pour Rouen.

Arrivée à la gare du Nord, elle y laissa ses bagages, se proposant de venir les prendre quand elle aurait un logement, et tout de suite elle se mit en route, mais à pied, pour les Batignolles, où elle voulait chercher ce logement. C’était la première fois qu’elle sortait seule dans les rues de Paris ; mais ce qui l’eût assez vivement troublée quelques jours auparavant ne pouvait