Page:Malot - Cara, 1878.djvu/112

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne le puis, sachant bien que tu viendrais m’y offrir ta protection ; ce que je ne peux pas accepter dans la maison de ton père, je le puis encore moins hors de cette maison.

« Il faut donc que nous ne nous voyions pas. Ce m’est, ai je besoin de te le dire, un cruel chagrin, et tel qu’il m’a fait différer longtemps l’exécution d’une résolution qui, quoi qu’il nous en coûte à tous, doit s’accomplir.

« Où que je sois, je vivrai avec le souvenir de ton affection.

« Toi, je l’espère, tu ne me fermeras pas ton cœur ; ce me sera un soutien dans la vie, où je vais entrer seule et rester seule, de savoir et de me dire que tu penses avec tendresse à ta pauvre

« MADELEINE. »

Après avoir écrit cette lettre, elle resta longtemps perdue dans ses pensées et accablée sous le poids de son émotion.

C’était fini, elle ne le verrait plus. Aimant et n’ayant pas été aimée, elle n’aurait pas dans toute sa vie le souvenir d’une journée d’amour et de bonheur, et elle avait dix-neuf ans.

Derrière elle, rien ; devant elle, rien que l’inconnu.

Quand elle s’éveilla, son plan était tracé.

Ordinairement on la laissait seule le matin dans l’appartement de la rue de Rivoli ; elle profiterait de ce moment, et, après avoir éloigné les domestiques sous un prétexte quelconque, elle irait elle-même chercher un fiacre sur lequel elle ferait charger ses masses par un commissionnaire.