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Léon n’était pas paresseux ; collégien, il avait figuré parmi les lauréats du grand concours ; élève de l’École de droit, il avait passé tous ses examens régulièrement et avec de bonnes notes ; enfin, dans l’atelier où il avait appris le dessin, il avait acquis une habileté et une sûreté de main qu’une longue application peut seule donner.

Et puis, d’autre part, ce n’était pas du zèle, ce n’était même pas du travail qu’ils lui demandaient. Le jour où ils l’avaient fait entrer dans leur maison, ils ne lui avaient pas dit : « Tu travailleras depuis sept heures et demie du matin jusqu’à neuf heures du soir et tu emploieras ton temps sans perdre une minute. » Loin de là. Car ce jour même ils lui avaient offert un appartement de garçon luxueusement aménagé, avec deux chevaux dans l’écurie, un pour la selle, l’autre pour l’attelage, voiture sous la remise, cocher, valet de chambre ; et un pareil cadeau, qui lui permettait de mener désormais l’existence d’un riche fils de famille, n’était pas compatible avec de rigoureuses exigences de travail. Aussi ces exigences n’existaient-elles ni dans l’esprit du père ni dans celui de la mère. Qu’il s’amusât. Qu’il prît dans le monde parisien la place qui selon eux appartenait à l’héritier de leur maison, cela était parfait ; ils en seraient heureux ; mais par contre cela n’empêchait pas (au moins ils le croyaient) qu’il s’intéressât aux affaires de cette maison, qui en réalité serait un jour, qui était déjà la sienne.

C’était là seulement ce qu’ils attendaient, ce qu’ils espéraient, ce qu’ils exigeaient de lui.

Cependant si peu que cela fût, ils ne l’obtinrent pas.

À quoi pouvait tenir son indifférence, d’où venait-elle ?