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que son crâne allait éclater, puis tout à coup un anéantissement la prenait, et, s’enfonçant la tête dans son oreiller, elle pleurait comme une enfant ; mais ce n’étaient pas des larmes qu’il fallait, et alors s’indignant contre sa faiblesse, se raidissant contre son désespoir, elle se disait qu’elle devait être digne de son amour pour son père, aussi bien que de son amour pour Léon.

Oui, c’était cela, et cela seul qu’elle devait.

Elle ne pouvait donc compter que sur elle seule, et, à cette pensée, elle se sentait si petite, si faible, si incapable que ses accès de désespérance la reprenaient : ah ! misérable fille qu’elle était, sans initiative et sans force.

À qui s’adresser, à qui demander conseil ?

Il y avait dans sa chambre, qui avait été autrefois celle de Camille, un portrait de Léon fait à l’époque où celui-ci avait vingt ans, et que Camille, se mariant, n’avait pas emporté chez son mari. Combien souvent, portes closes et sûre de n’être pas surprise, Madeleine était-elle restée devant ce portrait qui lui rappelait son cousin à l’âge précisément où, sans qu’elle eût conscience du changement qui se faisait dans son cœur de quinze ans, il était devenu pour elle plus qu’un cousin.

Anéantie par l’angoisse qui l’oppressait, elle descendit de son lit, et, allumant une lumière, elle alla s’agenouiller sur un fauteurl placé devant ce portrait, et elle resta là longtemps, plongée dans une muette contemplation.

La pendule sonna trois heures du matin ; partout, dans la maison comme au dehors, le silence et le sommeil ; dans la chambre l’ombre que ne perçait pas la flamme de la bougie qui n’éclairait guère que le por-