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croyait point que ce que l’on réclamait à la succession de son frère fût dû réellement, avait-il dit. Mais qu’importait ? ce n’était pas cette succession qui était engagée, c’était la mémoire de ce frère.

Ce que son oncle n’avait pas fait, elle devait donc le faire elle-même.

Mais comment payer cinquante ou soixante mille francs, alors qu’on ne possède rien ?

Sans doute, il y avait un moyen qui se présentait à elle, et qui très-probablement réussirait, — c’était d’accepter Saffroy pour mari. Qu’elle allât à lui et franchement qu’elle lui dît : « Je serai votre femme si vous voulez prendre l’engagement de payer les dettes de mon père avec la dot ou plutôt sur la dot que mon oncle me donnera », et il semblait raisonnable de penser que Saffroy ne refuserait pas ; si ce n’était pas l’amour, ce serait l’intérêt qui lui dirait d’accepter cette condition.

Mais pour agir ainsi il eût fallu qu’elle fût libre, et elle ne l’était pas.

Pour donner sa vie en échange de l’honneur de son père, il eut fallu qu’elle fût maîtresse de cette vie, et elle ne lui appartenait pas.

Ce n’était plus l’heure des ménagements et des compromis avec soi-même, et eût-elle voulu encore fermer les yeux qu’elle ne l’eût pas pu, les paroles de son oncle les lui ayant ouverts : elle aimait Léon.

Dans sa pureté virginale elle avait repoussé cet aveu chaque fois que de son cœur il lui était monté aux lèvres. Ingénieuse à se tromper elle-même, elle s’était dit et répété que les sentiments qu’elle éprouvait pour Léon étaient ceux d’une cousine pour son cousin, d’une