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reuse petite fille du monde lorsqu’on lui permettait d’en prendre quelques-unes (de celles qui n’étaient pas terminées bien entendu) pour jouer à la marchande avec ses camarades.

Mais était-il sage de s’inquiéter de l’apathie d’un enfant ? plus tard la raison viendrait, et, quand il comprendrait la vie, il ne resterait assurément pas insensible aux avantages que sa naissance lui donnait.

L’âge seul était venu, et lorsque, ses études finies, Léon était entré dans la maison paternelle, il avait gardé son apathie et son indifférence, testant de glace pour les joies commerciales, insensible aux bonnes aussi bien qu’aux mauvaises affaires.

Sans doute il n’avait pas nettement déclaré qu’il ne voulait point être commerçant, car il n’était point dans son caractère de procéder par des affirmations de ce genre. D’humeur douce, ayant l’horreur des discussions, aimant tendrement son père et sa mère, enfin étant habitué depuis son enfance à entendre les espérances de ses parents, il ne s’était pas senti le courage de dire franchement que la gloire d’être un Daguillon ne l’éblouissait pas, et qu’il ne sentait pas la vocation nécessaire pour remplir convenablement ce rôle.

Mais, ce qu’il n’avait pas dit, il l’avait laissé entendre, sinon en paroles, au moins en actions, par ses manières d’être avec les clients, avec les employés, les ouvriers, avec tous et dans toutes les circonstances.

Si M. et madame Haupois-Daguillon avaient exigé de leur fils le zèle et l’exactitude d’un commis ou d’un associé, ils auraient pu s’expliquer son apathie et son indifférence par la paresse ; mais cette explication n’était malheureusement pas possible.