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bon cœur ce soir avec vos amis, lui dit tout bas Joséphine.

Sophie Gay, étonnée, ignore que Deschamps, le secrétaire des commandements, a parlé des charmants soupers que donne M. le Receveur général. Ami de Gay, Alexandre Duval passe la saison chez lui ; précurseur de Scribe et de Dumas père, Duval, après avoir tracé au crayon noir des portraits de conventionnels avec Isabey pour six francs pièce, après avoir été le rival de Trénitz, et demeurant toujours le camarade de Garat[1], n’est pas moins joyeux convive que Picard, directeur de la troupe du théâtre Louvois, lequel a reçu ordre de transporter sa scène à Aix pendant le séjour de José phine. Mi-comédiens, mi-auteurs, ces deux futurs académiciens ont la langue affilée. Ils font partie du groupe d’amis qui entoure habituellement le comte Daru, et se réunit régulièrement en un déjeûner dominical[2].

Le soir, on soupe, on s’en donne à cœur-joie de railler les ridicules de la nouvelle cour, la bassesse de ceux qui se prosternent là où on ne leur demande que de s’incliner, et de rire aux dépens des braves officiers dont la brusquerie se plie mal aux manières de l’ancienne cour. Jeune, beau et brave, le général qui commande le département ignore ces usages. L’impératrice est assise sur un canapé la première fois qu’il lui rend visite ; sans la moindre gêne, il s’assied à ses côtés. Le chambellan lui avance un

  1. Edm. Taigny : Isabey, sa vie et ses œuvres, extr. Revue européenne, Paris, 1859, in-8°, p. 22.
  2. Sainte-Beuve : Lundis, IX, 442.