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inattendues. » Le vicomte ne formule qu’une critique : il est fâcheux qu’un prêtre joue un rôle révoltant dans cet ouvrage. « Épaississons les voiles sur les vérités tristes », ajoute-t-il[1].

Le Journal de Paris du 23 floréal an X (19 mai 1802)[2] publie un article qui, aujourd’hui encore, a gardé toute sa saveur. Sous l’anonymat, on devine le chevalier de Boufflers. Le titre porte : Conversation entre un vieil homme de lettres et un jeune. Elle s’engage avec un joli cliquetis d’esprit : « — Mon parti est pris, mon cher maître ; au fait, quand tout le monde écrit, pourquoi n’écrirais-je pas ? Pourquoi ne chercherais-je pas aussi à me distinguer ? — Mon ami, prenez-y garde, peut-être que la manière la plus sûre de se distinguer quand tout le monde écrit, ce serait de ne pas écrire. — Ce serait aussi le moyen de n’être pas lu. — Vous auriez cela de commun avec beaucoup d’écrivains. — Je suis tourmenté de mes idées. — Heureux jeune homme ! et où sont-elles, ces idées, est-ce dans votre mémoire ou dans votre imagination ? — Il me semble que les écrivains n’y regardent pas de si près. — Bon pour les écrivains, mais les critiques ? Et à quel genre donnerez-vous la préférence ? — Au plus facile. » Ce qui écarte les genres dotés de règles par les anciens. « À quoi sert toute cette législation poétique ? Un talent supérieur y déroge impunément, et la médiocrité ne gagne rien à s’y soumettre. » En fin de compte, le jeune auteur choi-

  1. Vicomte de Ségur : Œuvres diverses, Paris, 1819, in-18, p. 22.
  2. Journal de Paris, an X, III, 1432.