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ser avec moi… car vous savez ce qu’il en coûte pour…

Elle ne lui permet pas d’achever cette plaisante rie sanglante, et se retourne brusquement vers Chénier, craignant qu’il n’ait entendu. Chénier s’imagine que les fadeurs du vieux courtisan l’impatientent, et l’en complimente comme d’une preuve de bon goût. Et la voici obligée de défendre Ségur contre les épigrammes du républicain sur les ridicules courageux du gentilhomme.

Le dîner terminé, son mari la présente à une personne qui, dit-il, fit intervenir Benjamin Constant auprès de Chénier pour le sauver. Elle préfère avoir au jacobin cette obligation moins directe. Elle parle à plusieurs reprises des sept incarcérations dont son mari aurait été victime pendant la Terreur : la vérité oblige à reconnaître qu’elle a exagéré. Sigismond Gay fut peut-être considéré comme suspect, peut-être menacé : il n’alla pas une seule fois en prison ; les registres d’écrous des prisons de Paris en font foi. Nous avons connu des gens qui, pour s’être fait tué en 1848, réclamaient des bureaux de tabac à la troisième République : dès le Consulat, il était de bon ton, et pouvait devenir profitable, de se targuer de persécutions qu’on aurait subies sous la Terreur. Quoi qu’il en soit, Sophie assiste en observatrice avisée et curieuse aux transformations de la société française, dont elle note les phases avec justesse, et avec esprit[1].

Dès cette époque, elle est piquée de la tarentule

  1. Sophie Gay : Salons célèbres, p. 78, et Ellénore (Introduction). — L. Labat : Liste des arrestations, transfèrements, élargissements de 1790 à 1795, ms., Arch. Préf. de Pol.