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on l’entendit s’écrier au milieu du silence général :

« Ma fille est vraiment étonnante ; elle a tout deviné ». J’entendis presque aussitôt la comtesse de Noailles murmurer tout bas près de moi à sa voisine la comtesse de Laborde : « Ah ! vraiment ! pas si étonnante ! elle n’eut qu’à regarder autour d’elle ».

Récit piquant, qui ne pèche pas par la bienveillance. Le comte Apponyi assiste à cette même soirée. Il la voit sous un angle différent. Il constate d’abord, ce qu’une lettre précédemment citée de la duchesse de Duras dément, que les Français ignorent la Messiade de Klopstock, imitée, dit-il, par la poétesse dans sa description de l’enfer, puis admire dans le poème « des vers délicieux et de bien beaux tableaux ». À relire aujourd’hui ce chant de Magdeleine, on se convainc, en effet, que les vers sont solidement frappés, harmonieux, et souvent animés d’un beau souffle. Et l’on se demande avec angoisse quels passages ont si fort effarouché les mères et menacé la pudeur des vierges[1] !

Quelques mois plus tard, le 27 juin, Delphine Gay va jouer un rôle inattendu dans une solennité littéraire autrement imposante.

Chateaubriand, tenté par la Muse tragique, a écrit une tragédie en vers, Moïse, sans réussir à la

  1. Mirecourt : Madame de Girardin, p. 40. — Du Bled : le Salon de madame de Girardin, dans le Monde moderne, 1898, I, 533. — Mme de Boigne : Mémoires, III, 13. — Comte d’Haussonville, Ma Jeunesse (1814-1830), Paris, 1885, in-8°, p. 280. — Comte Apponyi : Mémoires, I, 156. — Marquiset : les Bas bleus du premier Empire, p. 135. - Lettre de Mme de Girardin au comte de Castellane, arch. du marquis de Girardin.