Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

pris, mais ne lui témoignent aucune mauvaise humeur. Par contre, il se fait vertement tancer un jour qu’il revient de Paris avec un paquet et une lettre pour une dame de leurs relations. La lettre devait être remise personnellement. Il n’y voit pas malice, et la porte au logis du ménage, où elle provoque un violent orage. Sophie Gay le prêche de la belle façon, et conclut :

— J’aimerais mieux coucher avec quatre hommes que d’écrire une lettre !

Ce qui prouve que les belles dames du Directoire parlaient un langage aussi franc que les honnestes dames de Brantôme.

L’été à Aix-la-Chapelle, l’hiver à Paris, elle goûte fort cette existence. Depuis 1803, elle habite dans la capitale une grande maison avec jardin, 9, rue des Mathurins, au coin du passage Sandrié. Son salon dénote une artiste aimant l’éclat, la fanfare, l’élégance, les beaux-arts. Le meuble est couvert de casimir écarlate ; le piano demeure ouvert ; deci, delà, des miniatures d’Isabey et de Cicéri, des objets de bon goût. En bonne place, un buste de la princesse Borghèse sur un piédestal, et un grand portrait de la maîtresse de la maison alors qu’elle était dans sa fleur, par Bonnemaison. La peinture en est bonne, la pose gracieuse, l’expression fine, mutine, intelligente, les bras beaux et purs de ligne, les cheveux bouclés ; les seins roses transparaissent à travers la gaze légère de la robe blanche[1]. Elle a sa loge à l’Opéra et au Théâtre-Français. Le spec-

  1. J.-J. Coulmann : Réminiscences, Paris, 1862-1869, trois volumes in-8°, I, 327. — Portrait appartenant à la famille de Canclaux.