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ELLE ACQUIERT LE MONOPOLE DES TABACS

d’échanger son argent contre les billets de la Banque du roi. Cette mesure complétait la première partie de la révolution financière inaugurée par Law. Les billets du gouvernement qui, en 1715, étaient descendus à soixante-dix ou quatre-vingt pour cent d’escompte, se relevèrent au pair[1] et les actions de la Compagnie furent cotées à deux cents pour cent de prime.

Dans cette même année, la Compagnie fit sa plus importante acquisition, presque la seule qui ait survécu au règne d’or de Law, et put ainsi prolonger sa propre existence. Elle acquit du gouvernement, au prix de quatre millions vingt mille francs le monopole des tabacs ; la valeur de ce monopole s’accrut au point qu’au bout de quelques années, il produisait un revenu annuel de huit millions, somme presque suffisante pour payer l’intérêt du capital de la Compagnie, fixé en 1725 à huit pour cent. Ce fut aussi vers cette époque que lui fut concédée la ferme des mines de sel de l’Alsace et de la Franche-Comté.

Malgré la grandeur et le succès inouï de ses premières mesures, Law voulait aller plus loin. Sa pensée dominante était d’éteindre la dette publique au moyen de la Compagnie. Cette dette s’élevait alors à quinze ou dix-huit cent millions et l’intérêt annuel en était de quatre-vingt millions. Au milieu de la confiance et de l’excitation qui régnaient autour de lui, Law croyait possible de substituer à la dette les actions de la Compagnie des Indes. Il offrait de prêter à l’État une somme de douze millions, portée ensuite à quinze, au taux de trois pour cent, à la condition qu’il serait autorisé à émettre une pareille somme d’actions et qu’il serait chargé de la perception des impôts publics. Le 2 décembre le gouvernement accepta officiellement ces offres. La Compagnie créa aussitôt trois cent vingt-quatre mille nouvelles actions portant la valeur nominale de cinq cents francs ; mais comme ses autres actions antérieurement émises étaient alors montées à mille pour cent, chacune de celles-ci valait alors sur le marché cinq mille

  1. Quand Law, faisant connaître au public le projet de la Compagnie Occidentale en 1717, se vanta qu’un des résultats serait de faire remonter au pair les billets dépréciés, le public incrédule, déclara que, s’il accomplissait ce miracle, il serait digne que la France lui élevât des statues ; il le fit cependant et n’eut pas de statues.