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LEVÉE DU SIÈGE DE MADRAS

une mort certaine. Lally, quoique désappointé par cette manifestation et appréciant bien quelle immense responsabilité il assumait en agissant contre l’opinion écrite de ses officiers spéciaux, mais persuadé qu’ils étaient dans leur tort et que ses soldats le suivraient, ne changea pas de détermination. Il attendit seulement le déclin de la lune pour livrer l’assaut, et il avait déjà donné l’ordre à Grillon, qui était chargé de l’attaque principale, de se tenir prêt pour la soirée du 16 février, lorsqu’il eut la douleur de voir l’escadre de l’amiral Pocock naviguer en rade dans l’après-midi de ce même jour.

La situation de l’armée assiégeante était dès lors désespérée. Depuis vingt jours les troupes n’avaient pas reçu leur paye et les officiers n’avaient eu que les rations de soldat ; il ne restait que deux mille livres de poudre dans le parc d’artillerie, et autant à Pondichéry. Les troupes indigènes, n’étant pas payées, s’étaient dispersées, et la cavalerie européenne menaçait elle-même de passer à l’ennemi. Pondichéry n’était plus gardé que par trois cents invalides. En de telles circonstances l’arrivée de la flotte anglaise, qui tout à la fois délivrait Madras et menaçait Pondichéry, rendit la levée du siège inévitable.

Cette opération s’accomplit dans la nuit du 17 février. Après avoir expédié par mer à Saint-Thomé tous les blessés transportables, Lally enterra ses boulets, et faute de bétail pour traîner son artillerie, il laissa cinq pièces de canon dans les tranchées, et dans une pagode, convertie en hôpital, trente-trois blessés qui ne pouvaient être transportés ; il leur laissa un chirurgien, et les recommanda aux soins du gouverneur de Madras ; puis, ayant pris avec lui tous ses bagages, il se retira sans être inquiété, mais le cœur plein de rage[1], par la route de Saint-Thomé à Conjeveram.

  1. La rage de Lally était dirigée contre ceux qui, par intérêt personnel et par corruption, avaient, en entravant ou retenant les secours dont il avait si grand besoin, contribué au déplorable résultat de cette expédition. Dans une lettre écrite par lui à Leyrit le 14 février, il mentionne quelques-unes des iniquités qu’il voyait s’accomplir jusque sous ses yeux et émet avec énergie son opinion sur la conduite de quelques-uns de ses officiers. « Sur quinze cents Cipayes, disait-il, qui sont dans notre armée, je calcule que près de huit cents sont employés sur la route de Pondichéry à transporter du sucre, du poivre et d’autres denrées. Quant aux Coolies, ils ont été occupés de la même manière depuis que nous sommes ici. » En terminant cette lettre, il déclinait toute intervention avec l’administration civile de Pondichéry, « car, ajoutait-il,